Tristan Auer - l'appartement du designer
- Dorothée Dradon
- 6 avr. 2016
- 6 min de lecture
Découverte de ce jour. Je suis d'abord interpellée par son prénom que j'affectionne particulièrement... Et puis, un petit tour sur son site web. Et là, franchement, j'adore son style. Lignes sobres, intemporelles, mélange des styles...
J'aime beaucoup découvrir les intérieurs des artistes. Ils représentent souvent ce qu'ils sont et permettent de comprendre le personnage et les influences.
Profil. Dès l'ouverture de son bureau de création en 2002, l’architecte d’intérieur ne s’arrête plus : la rénovation des appartements parisiens de Coco Chanel, rue Cambon, la boutique Nina Ricci, avenue Montaigne, des hôtels dans le monde entier et du mobilier haut de gamme…
Style. Tristan Auer développe un nouveau classicisme graphique, où l’harmonie découle de mélanges des références. Chaque lieu lui inspire de nouvelles visions, de nouveaux paris, de nouvelles idées.
Projets. Tristan Auer a réalisé le stand Cartier pour la Biennale des Antiquaires en 2012. Cartier et Puiforcat se sont en 2014 partagés les services de l'architecte d'intérieur pour des stands respectifs à la Biennale des Antiquaires et au salon Maison & Objet. En 2015, Tristan Auer retouve Cartier au Salon international de la haute horlogerie, à Genève. À Londres il dévoile un projet résidentiel et inaugure à Paris les Bains Douches.
http://www.admagazine.fr/decoration/visite-deco/diaporama/le-bon-mix-selon-tristan-auer/4885#7
Photos - Didier Delmas
Interview [Express Style]
S'il incarne la relève du Style français - titre d'une exposition chez Artcurial, à laquelle il a participé -, Tristan Auer a prouvé qu'il avait un talent bien à lui. Loin des univers très opposés de ses deux ex-gourous, les mastodontes de la déco Starck et Liaigre. A la fois architecte d'intérieur, décorateur et designer, le jeune quadra, qui n'hésite pas dans ses projets à mêler le design avant-gardiste d'une Zaha Hadid avec l'esprit minimaliste des années 1930, est réputé pour ses mélanges parfois surprenants. Outre la sortie d'une collection de meubles et de luminaires en laiton, bois et Inox pour Pouenat et la transformation d'un cinq-étoiles à Courchevel (la Sivolière), il signe deux éditions limitées de fauteuils d'inspiration Directoire pour la maison Taillardat et un showroom de la créatrice de mode Lolita Lempicka.
E.P. : Pourquoi avez-vous choisi d'habiter ce lieu ? Tristan Auer : Quand nous l'avons visité, ce n'était qu'un parking. On y avait tourné il y a longtemps des scènes de Diva, le film culte de Jean-Jacques Beineix. Il n'y avait rien. Juste un plateau de 190 mètres carrés qui offrait l'opportunité de faire vraiment du sur-mesure et d'avoir une petite cour à soi, ce qui est rare à Paris. La seule contrainte venait de son orientation. Je savais déjà en le visitant que certaines pièces allaient être en "second jour", c'est-à-dire sans ouverture sur l'extérieur.
E.P. : Comment s'y prend-on pour effectuer ce type de travail chez les autres ? Tristan Auer : Quand je démarre un projet, la première chose à laquelle je pense est la façon dont je vais pouvoir améliorer le style de vie de mon client. Je commence par réaliser une sorte d'étude sociologique du lieu en posant des questions, parfois intimes... "Combien de personnes se croisent le matin dans la salle de bains ? Quelles sont les habitudes des enfants ?", etc. Ensuite, j'essaie de raconter une histoire qui s'inspire de faits réels. Soit de la vie des gens qui habitent sur place, soit de l'identité du quartier où se situe le projet. Je n'aime pas tricher. Inventer des scénarios de toutes pièces, ce n'est pas mon truc. Et concrètement... Je me sers de l'entrée pour montrer l'"intention" du lieu. J'y installe une belle table, où l'on peut poser ses clefs. C'est l'une de mes pièces préférées. Celle qui suit doit être plus claire, blanche si possible, pour paraître plus grande. Comme ces temps-ci les fonctions attribuées à chaque pièce ont tendance à disparaître, j'essaie ensuite de rythmer le quotidien avec autre chose. En variant les atmosphères des pièces pour inciter les gens à les occuper toutes, les unes après les autres, au fil de la journée. Chez moi, par exemple, la salle de bains fait partie du décor du salon. On en profite à n'importe quelle heure. J'ai installé, exprès, derrière la baignoire un grand panneau où j'accroche des photos. A l'opposé, ma chambre est un espace pour le soir. Un cocon fait de tons chauds et de lumières douces.
E.P.: Quel genre d' "histoires" racontez-vous chez les autres ? Tristan Auer : Dans un vieil appartement du Marais, je me suis inspiré des poutres et des tomettes pour jouer avec des tonalités chaudes, plutôt classiques, telles que le marron ou le beige. Le client voulait se constituer une collection de design. J'ai donc choisi les meubles avec lui : des pièces des Bouroullec, de Zaha Hadid, de Ron Arad et de Mathieu Lehanneur qui fait, à mon sens, partie des "will be", ceux qui seront les icônes de demain. Comment faites-vous pour obtenir une harmonie à partir de tels mélanges ? Justement, l'harmonie, d'après moi, vient du mélange. Là aussi, c'est le rythme qui est important. J'essaie d'alterner les pièces fortes et celles plus modestes, et de jouer avec l'intensité des couleurs. Tout est une question de dosage.
E.P.: .Et comment êtes-vous parvenu à transformer cette contrainte du lieu? Tristan Auer: Il a fallu ouvrir l'espace au maximum, visuellement. J'ai donc installé un grand séjour qui donne sur le jardin. Les chambres sont derrière, dans des cellules vitrées que l'on occulte le soir par des rideaux. L'avantage, c'est que, de mon lit, j'ai vue sur le jardin. Cette solution permet vraiment d'exploiter tout l'appartement de façon quasi permanente. Grâce à la salle de bains, installée en plein milieu, on peut par exemple, depuis le salon, surveiller les enfants quand ils prennent leur bain sans être obligé de s'enfermer avec eux dans une petite pièce. A Paris, l'espace est un luxe...Comment travaille-t-on la circulation dans ce cas ? Elle se fait par une estrade, une sorte de coursive sur laquelle on peut circuler d'une chambre à l'autre, via la salle de bains. Sur le plan esthétique, elle souligne la longueur de l'appartement. Et comme elle fait 70 centimètres de hauteur, cela permet de ne pas avoir la vue, depuis le salon, sur les jouets qui traînent dans les chambres des petits !
E.P. : Beaucoup de décorateurs dessinent eux-mêmes les meubles de leurs projets. Et vous ? Tristan Auer : Oui, j'en dessine beaucoup également. Des fauteuils en cuir, des canapés en velours, des tables en bois... Quand on réalise des intérieurs totalement sur mesure, il n'existe pas toujours une offre qui corresponde à ce qu'on cherche. En plus, on est toujours tenté d'offrir au client quelque chose d'exclusif, un meuble qu'il sera le seul à posséder, fabriqué par un artisan français qu'il aura rencontré dans son atelier. Mais quand j'en ai la possibilité, j'utilise les créations des autres avec plaisir. Je n'ai pas d'ego, à partir du moment où cela fonctionne. Dans mon appartement, j'ai une lampe de Tom Dixon et un fauteuil vintage, le Kangaroo de George Nelson que j'ai acheté à la galerie Christine Diegoni. Je l'ai reluqué pendant six mois et puis un jour j'ai craqué. Je ne le regrette pas.Vous avez récemment participé à cette exposition organisée chez Artcurial à l'occasion des 10 ans du magazine AD autour du Style français. Qu'est-ce qui distinguait votre scénographie ?J'ai imaginé quelque chose d'intime, que j'ai appelé "Le rêve d'un égoïste". Une pièce rien qu'à soi, on en rêve tous. Mais on n'en a pas forcément la place. Beaucoup de gens se sont retrouvés dans cette proposition. Ce qui m'a beaucoup touché parce qu'à mon sens, la déco, c'est d'abord faire en sorte qu'on se sente bien dans un lieu. Le bon goût, le mauvais goût... c'est très subjectif.
E.P.: Y a-t-il tout de même des références qui guident votre travail ? Tristan Auer : En ce moment, je suis très fan de Jacques Adnet, qui a décoré en 1938 les deux salles de bains royales du Quai d'Orsay. L'une était tout en cuivre, l'autre tout en ivoire. Un travail incroyable.Vous avez appris aux côtés de deux monstres de la déco. N'ont-ils pas eu une influence sur vous, eux aussi ?J'admire Christian Liaigre pour sa maîtrise du détail et l'élégance qui en ressort. Starck, au contraire, c'est l'absence totale de tabous et de limites. Le mauvais goût n'existe pas à ses yeux. Il m'a appris à aller chercher mon inspiration loin, parfois très loin de la déco. Mes idées naissent après un défilé de mode, un coup de blues, une paire de talons hauts croisée au coin de la rue... J'ai créé les motifs de mon nouveau tapis Tweedee, fabriqué par les Ateliers Pinton, en m'inspirant du plumage bleuté d'une variété de pintade !
Tristan Auer est associé au groupe : Wilson & Associates
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